Première CRPC devant la Cour d’appel de Paris
Des préfabriqués ont été installés dans le Hall Parodi de l’ancien Palais, derrière la Cour de la Sainte Chappelle, pour l’occasion. C’est dans l’un d’eux que se situe le bureau 1D24, qui accueillera les premières comparutions immédiates sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) organisées par la Cour d’appel de Paris.
La convocation du procureur général, ce mercredi 28 juin 2023 à 13h30, concerne de nombreux mis en cause qui patientent éparpillés sur les bancs du Hall Parodi. Le greffier fait le tour en cochant sa liste des convoqués. Certains sont venus sans avocat, rendant leur comparution impossible. Ils ont le choix de se voir proposer une nouvelle date de CRPC ou de refuser cette procédure, lui préférant le procès pénal.
Nous sommes la première affaire. L’avocat général nous fait entrer dans le préfabriqué, qui est à ciel ouvert et ne feutre pas les bruits résonnants du Palais. Il lit le dossier, pose des questions sur l’état d’esprit du mis en cause au moment de la comparution des faits, ses conditions de vie actuelles. Un dialogue s’installe. Nous avons apporté de nombreuses pièces pour démontrer les démarches de réinsertion accomplies par mon client depuis la commission des faits. La peine proposée est significativement moins lourde que la peine prononcée en première instance. Nous demandons à sortir afin de nous entretenir confidentiellement (c’est-à-dire sur l’un des bancs du hall ouvert au public).
Mon client décide d’accepter la peine. Nous demandons à nous entretenir de nouveau avec le procureur général. Chacun signe la proposition de peine acceptée et nous descendons immédiatement en salle Debray afin de la faire homologuer.
L’audience d’homologation – c’est son objet – est rapide. La présidente s’assure que mon client reconnaît les faits et ne conteste pas leur qualification. La parole est donnée à la défense afin d’expliciter le choix de la peine et son adéquation à la situation du mis en cause. L’ordonnance d’homologation est rendue : la décision de justice est prise. Mon client et moi nous rendons au Bureau d’exécution des peines afin de prendre une date devant le juge de l’application des peines (JAP).
Si cette procédure (détaillée ci-dessous) existe depuis 2004 devant le tribunal correctionnel (cf. articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale), ce n’est que par la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 qu’elle a été étendue aux procédures d’appel. L’article 495-15 du code de procédure pénale, qui dispose des conditions de mise en œuvre de la CRPC en première instance, prévoit désormais, en son dernier alinéa, que :
« Le présent article est applicable au prévenu condamné par le tribunal correctionnel qui a formé appel en limitant la portée de celui-ci aux peines prononcées, lors de la déclaration d'appel ou ultérieurement. Les attributions confiées au procureur de la République et au président du tribunal ou à son délégué par la présente section sont alors exercées respectivement par le procureur général et par le président de la chambre des appels correctionnels ou son délégué. »
Remarques générales sur la CRPC, dite procédure de « plaider-coupable »
La procédure de « plaider-coupable » permet au mis en cause reconnaissant les faits délictuels reprochés de se voir proposer une peine par le procureur de la république (ou, désormais, par le procureur général), en amont du procès et en présence de son avocat. Si le mis en cause accepte cette proposition de peine, le juge du siège est saisi d’une demande d’homologation, à laquelle il peut donner suite ou non (un refus peut par exemple être justifié par le fait que le magistrat estime la peine trop faible, notamment au regard des faits reprochés ou de la personnalité du mis en cause). S’il approuve la proposition de peine, il rend une ordonnance d’homologation, qui a valeur de décision de justice.
Cette procédure peut présenter plusieurs avantages :
elle peut permet d’instaurer un dialogue plus ouvert entre le prévenu et son avocat, d’une part, et le procureur, d’autre part, les échanges se tenant dans un bureau qui n’a pas la solennité d’une salle d’audience ;
le procureur peut être amené à proposer des peines moins lourdes que celles qui auraient été requises lors du procès ;
elle permet d’éviter la publicité du procès pénal (elle est ainsi fréquente en matière de délits financiers).
La CRPC a bien sûr ses limites : elle est considérée par certains comme un simulacre de justice, puisqu’elle aboutit à l’évitement du procès pénal et des débats qui s’en infèrent. Elle a été dénoncée par l’ordre des avocats du barreau du Val-de-Marne comme un acte de « destruction de la justice » auquel il invite à ne pas participer lorsque la peine proposée par le procureur est une peine de prison ferme assortie d’un mandat de dépôt (voir l’article de Dalloz Actualités consacré).
Par ailleurs, cette procédure est contre-indiquée si le dossier présente des nullités qu’il serait utile de faire valoir devant une juridiction. Enfin, elle n’est pas possible pour tous les délits (elle est notamment exclue en cas de violence, d’homicide involontaire, de délits de presse et de délits politiques), ni lorsque les faits ont été commis par un mineur.